samedi 29 juin 2013

Présentation express - Acte 3

"Plateau" (eh ouais) - 
Avant-dernière entrée - Page 5 de 
Google search (options : N&B,
moyennes images) - juin 2013
D'accord, d'accord. Dans la mesure où il m'est un peu compliqué ici de parler de mes activités annexes (j'aime faire le mystérieux, qui peut-il bien être ?), je vais accepter pour une fois que vous qualifiez le mois-de-juin-sur-ce-blog de "Mois de la glande." Je m'en veux, je dois bien le reconnaître - surtout pour vous, pardon, qui avez été contraint de rafraîchir toutes les minutes cette page tout en observant d'un œil terni sinon humide ce qui se passait dans le reste du monde, de liker des statuts ou de parcourir en étouffant un bâillement le site de votre journal en ligne préféré. Cela dit, maintenant que vous êtes bien à jour concernant l'actualité mondiale du moment, autant que l'actualité foisonnante de vos amis, connaissances et vagues camarades de 4ème B (qui ont eu des enfants, dis donc), il est un peu temps d'en revenir aux choses vraiment sérieuses. J'ai dit.

En l'occurrence, il fallait bien qu'il finisse par débouler dans ce joli trou-à-pisse numérique, cet Acte 3. Ben oui, nous n'avons toujours pas de quatrième de couverture digne de ce nom (remember... remember aussi... oui je sais, il n'y a pas des tripotées de posts par ici, ça ne sert à rien de créer ces liens, sauf à se faire imaginer à tort qu'on dispose d'ores et déjà d'une "Oeuvre" (bloguistique), ce qui confine au pathétique.) Du coup, à part venir ici pour vous faire copieusement insulter, prendre pour des gogos et faire saigner vos yeux déjà éreintés à la lecture de phrases absconses et beaucoup trop longues, vous commencez fort logiquement à vous dire que bon, c'est joli tout ça, mais on ne sait toujours pas de quoi ça va causer, son truc (enfin si, vous avez déjà quelques petites idées à ce sujet, des bars, de l'alcool, un type qui larmoie ou sublime - on ne sait pas trop -, mais bon, c'est léger aussi, comme plan de route pour savoir sur quoi on va finir par débouler : "un énième livre sur les bars ? Sérieux ? Mais qu'est-ce que je vais perdre mon temps ici, moi." Vous vous dites - je le sais, t'inquiète.)

Allez, je vous mets de la musique pour la peine, ça va vous aider à supporter l'ennui de ce nouveau message. Et puis c'est gai, vous allez voir. 

Oh oh, tiens. En plus, ça donne plein d'indices sur qui je suis (parce qu'en réalité, évidemment, tout le monde s'en cogne, de savoir ça, mais vous savez comme c'est, aujourd'hui, il faut savoir susciter la curiosité, comme ça, avec rien, se mettre un casque intégral sur la tête pour déclencher les cancans ou n'apparaître que sous forme d'avatar manga pour tenter d'oublier que, dans la vraie vie, on a parfois une tronche de déterré, et même des boutons.) Tiens tiens, donc. Un type qui aime les bottes, très bien. Sans doute un métalleux, ou un cowboy. Voire un motard, tiens, ce qui revient un peu au même. C'est chouette, en tout cas, on a bien avancé.

Ou bien, ou bien... tiens... la tonalité, le côté un peu plaintif, un peu dépressif du truc, tiens, et si... et oui... Là, on voit mieux quelque chose. Le genre de gars auquel il doit arriver de temps en temps de rentrer chez lui, bien torché (v'là l'exemple pour la jeunesse), et de se mettre à couiner devant son ordinateur, casque aux oreilles ou en pleine lumière, les yeux gonflés d'un truc qui contient environ 2 doses d'eau salée pour une dose de bière, et qui tente de fredonner (ce qu'il ne fait déjà pas très bien en temps normal) un air qui lui racle les tripes au râteau, tout en formalisant peu à peu le morceau suivant qu'il va s'imposer ensuite pour parachever cette méthode toute personnelle de digestion ponctuelle du grand-Monde (qui fait peur.)

Ou alors un motard, hein, c'est comme vous voulez. Vroum-vroum ou Ouin-ouin, deux façons d'imaginer votre héros. Faites à votre convenance.

Quoi qu'il en soit, trêve de larmoyantes digressions, on y va, c'est parti.

Présentation express, troisième prise :

Doit-on s'acharner à résister, se tenir droit, combattre l'altérité,
ou plus simplement opter pour la plus parfaite des transparences,
celle du loufiat-tapisserie, du barman-automate ?
Disparaître en apparence sous une servilité éveillée, assumée, sublimée en un sens ?
[TITRE] propose un parcours undercover sur les traces d'un partisan de cette seconde voie,
persuadé, parce qu'il faut bien trouver matière à conserver sourire face à son miroir,
que la moins chevaleresque des attitudes
peut aussi contenir les germes d'une rédemption par l'humilité,
que la plus grande transparence
permet d'accomplir, à l'Ombre, des exploits inédits.

Bien, bien, bien. Alors... Déjà, c'est un peu long, convenons-en. Ensuite, et surtout, ça fait un peu Guide-de-Survie-dans-un-monde-hostile, à des lieues de l'intention première. Je vois d'ici les questions débiles qui pourraient découler de la lecture de ce quatrième de couverture : "Prônez-vous la passivité et la discrétion en lieu et place de la résistance ?" (oui, bien sûr, et passer un coup de fil à la Kommandatur pour récupérer le grand appart du troisième, c'est ça, oui, vous avez bien saisi ma démarche) - "Servilité pour qualifier les métiers de la restauration, n'y allez-vous pas un peu fort ?" (absolument, mais vous savez, moi, je ne fais pas partie de la grande corporation immaculée du journalisme, aussi.) - "Conserver sourire, ça n'est pas français comme expression, si ?" (effectivement, ce ne serait sans doute pas conservé en l'état dans la plaquette de présentation d'une entreprise de réparation de téléviseurs, c'est vrai) - "Rédemption par l'humilité, ne s'agit-il pas l'un d'un pléonasme ?" (si, bien sûr, mais est-ce que je t'en pose, moi, des questions ?) En bref, un beau traquenard à interrogations niaises, auxquelles je prêterais naïvement le flanc en feignant d'ignorer que bien souvent, comme s'ils n'avaient pas lu le livre en entier, les commentateurs se fondent sur la quatrième de couverts pour fournir à leur entretien une belle colonne vertébrale.

Une question plus intéressante concernant ledit Machin, au demeurant, pourrait être la suivante : "Les Super-héros du quotidien naissent-ils dans l'Ombre ?" Belle piste de réflexion, en vérité, tant la réponse est évidente ("Oui" - réponse lapidaire, complète et suffisante, qui, certes, n'aide pas vraiment à briller en société, justement), mais laisse planer un doute quand à la dichotomie quasi-manichéenne communément admise [Ombre/Lumière], susceptible de foutre tout le monde, autour de la table, un peu mal à l'aise. Puisque l'interrogé, par respect pour ce beau précepte d'allégeance à la discrétion, a publié un machin et répond à des interviews, tandis que l'interrogateur, tout à fait d'accord sur ce point avec l'interrogé, rêve probablement qu'un jour, enfin, on le reconnaisse dans les dîners mondains.

Manque de pot, avec une quat' de couv' comme celle-ci, aucun risque d'engendrer, dans l'esprit de la feignasse ayant considéré qu'il suffisait de grignoter ça pour savoir de quoi tout le Machin causait, une question aussi intéressante/problématique. Parce qu'il n'y est pas directement fait référence aux Super-Héros, qui servent pourtant, tout au long du texte, à illustrer la réflexion, un peu à la manière, je ne sais pas, moi, qu'un petit-chiot-trop-mignon (c'est-à-dire seulement l'un des membres très particulier du règne animal, choisi ainsi de manière tout à fait malhonnête pour servir le propos) aurait de faire office d'étendard aux contempteurs de la souffrance des bestioles.

Donc, non, encore un fois, cette présentation express ne convient pas. Nous avons encore pas mal perdu notre temps ici, pas vrai ? Désolé.

jeudi 20 juin 2013

Un Bohémien dans la Ville, par Renaud Burel

"Tabouret de bar" (disons) - 
Avant-dernière entrée - Page 5 de 
Google search (options : N&B,
moyennes images) - juin 2013

Dans Château Rouge Hôtel, un texte posthume, publié chez Allia trois ans après son définitif Merci-Au-revoir, Renaud Burel nous offre un beau portrait flouté d'une interaction comme on n'en trouve pas partout. Le texte, tout entier, est à s'enivrer de plaisir brut.

"Il y avait du soleil. Aucune envie de me retrouver dans ma piaule confronté une fois de plus au néant. Je suis entré au Tambour où j'avais été tricard dans le temps la gueule enfarinée mais, comme par enchantement, le barman est venu illico prendre ma commande l'air sympa.
- Un double-espress et un cognac, Ta Majesté.
- Ca marche.
- Euh non, scuse-moi, un espress et un double-cognac.
- Okay ça roule.

C'était vraiment un des plus beaux bistrots de Paname. Bien situé au cœur de Ménilmontant, vaste, carré, stylé comme pas permis avec son antique zinc immense, ses boiseries sans âge, ses fresques 1900 délavées sur les hauts plafonds et ses énormes systèmes de poulie en fonte dont personne ne savait plus l'usage. Le plus branchouille aussi, selon les médisances des puristes qui préféraient ne pas se distraire des derniers looks à la mode de cette clientèle de pseudo-artistes, d'ivrognes cultivés, de pédés et de minettes inaccessibles. Je le fréquentais déjà avant son rachat et sa métamorphose, quand ça n'était qu'un étrange espace vieillot, sombre et souvent désert, tenu par trois vieux Auvergnats qui ne faisaient jamais un bruit. Il avait déjà son aura.

Il n'y avait quasiment personne ce matin-là et pour ne pas me laisser gagner par l'ambiance morose, je voulais siffler mon verre et partir voir ailleurs.

Et puis un homme est entré et il a pris place au comptoir juste à côté de moi. Il m'a fait une impression pas croyable. Ca sautait aux yeux qu'il était rom et il avait l'air d'un Dieu de l'Olympe descendu boire un coup en ville. Je l'ai admiré un instant. Enfant, les Bohémiennes et les Bohémiens appartenaient au pays des rêves pour moi. Peut-être bien que le pays des rêves leur appartenait. Les Fils du Vent.

Une légende racontait qu'ils tenaient ce nom d'une jument qu'aucun étalon n'avait jamais possédée mais qui paissait chaque jour sur une colline exposée au grand vent. A vrai dire, cette légende, je ne savais plus si je l'avais lue quelque part ou si je me l'étais inventée. Sûr en tout cas que le vent lui-même poussait à sa fantaisie leur chemin par-delà les frontières et le temps aventureux.

Sur le bar à côté de moi la montre au bras de l'homme me fixait comme un oeil. J'ai remarqué qu'il se tenait sur le tabouret du bar la jambe droite en position du lotus et la plante du pied radicalement retournée vers le ciel. C'est alors que, comme dans un rêve, il m'a regardé droit dans les yeux, au moins deux longues secondes, puis sa montre, puis de nouveau moi, comme s'il avait quelque chose de grave à me dire.

- Il est tard, il a dit, puis il est sorti du bar et a disparu sans avoir rien bu dans la foule des ruelles.

A peine le temps de rien comprendre à rien, et une vague d'idées irrationnelles m'a traversé l'esprit. Mes pensées se sont mises à tournoyer. Le messager de l'Olympe m'avait jeté un sort."