lundi 27 janvier 2014

Rideau Levé

Bon Dieu, quatre mois à me taire, lové dans un coin comme un Client-Mémorable (TM) abattu par sa soirée, comme ça, l'air de rien. Ce n'est pas très sérieux, je l'admets.

Pire encore, quatre mois sous la table ou planqué derrière le zinc (selon le point de vue adopté), sans la moindre production de théorie-lénifiante comme "le délai nécessaire avant retour en bar trahi", et autres mesures kilométriques de la distance idoine entre notre logement et notre Bar-à-soi, bon dieu, donc, c'est vraiment n'importe quoi.

Tout ça après avoir teasé comme une pin-up plutôt peu ragoûtante, ici-même, vous avoir fait part de mon déménagement (information qui n'en est devenue une, de piètre intérêt certes, que parce que je l'avais émise), de la recherche désespéré d'un nouveau QG comme disent les jeunes, d'une nouvelle pièce-en-plus comme disent les vrais guerriers (qui le sont rarement, jeunes, notez, ou alors ils comptent triple), et puis là, tac, "merci m'sieurs-dames, j'ai trouvé ma piaule, c'est gentil mais elle n'a pas le wifi, merci au-revoir", franchement, c'est infect.

A croire que ce Mon-blog-en-2013 n'avait que deux vocations : 
- me faire patienter en attendant de trouver un lieu confortable pour m'y perdre en mutique solitude (sympa pour les lecteurs), 
- faire la promo-avant-la-lettre d'un ouvrage à paraître dont je tairai le nom après sa sortie, comme pour préserver une forme d'anonymat difforme ("anonymat difforme, tentative de définition : vous avez cinq ans et ne comptez pas sur moi pour ramasser les copies"), de coquetterie balourde sans fin ni finesse.

Voici donc, enfin révélée, la consternante vérité :  non seulement mon livre-à-Moi, Bois Sans Soif, est paru il y a une quinzaine aux éditions Rue Fromentin, avec une préface de Philippe Jaenada à se pâmer d'aise avant de se damner au single malt, mais je n'ai même pas eu le courage, pauvres choses que nous sommes finalement, nous autres tauliers magnifiques (cœurs de tendres poulets planqués sous des carapaces de téflon), de le publier sous mon vrai patronyme, "Gérard Letaulier" - "parce que ça fait un peu trop gros, tu vois" -, préférant à ce nom (de baptême, hein) quasiment performatif un autre label non moins quelconque, sélectionné au hasard dans l'interminable annuaire des patronymes-à-la-con, j'ai nommé : François Perrin.

Oui-oui, François-Perrin. Label de Pierre Richard, photographe amateur travaillant sur le scénario de La Vaginale dans On aura tout vu, face au méchant producteur Jean-Pierre Marielle. Ou du même, violoniste et grand blond propulsé agent secret en toc par la magie perverse de l'agent Rochefort (ah ah). Label de Patrick Dewaere, footballeur-branleur accusé à tort de viol dans Coup de Tête. Et la liste est longue, même Patrick Bruel l'a porté, ce blaze, c'est vous dire. 

Oui, donc, François-Perrin. Pourquoi pas, après tout : quand on s'abîme à dresser le portrait en creux du salarié-servile le plus transparent de la terre, moi je dis, autant ne pas faire les choses à moitié, et accoucher pour le coup d'un pseudonyme d'auteur d'une impeccable translucidité. Que n'auriez-vous dit si j'avais choisi "Gérard de la Tellurie", pour noyer vainement dans les armoiries mes origines crasses, ou même "Jean-Philippe Rutabaga", comme une mauvaise plaisanterie de Mickey Parade ? Non, non. François-Perrin, Pierre-Martin, Philippe-Moreau : un nom générique, de ceux qu'arborent les spécimens de moyens de paiement comme les salariés de call-centers, pour un livre tout entier dévoué à la secrète disparition identitaire derrière une fumée d'industrie - impec, je vous dis.