mardi 12 mars 2013

Nouvelles chroniques barsiennes

Illustration générique -
Banque d'images à la con -
mars 2013
Pour bien commencer un blog, en 2013, car oui nous sommes en 2013 et des gens décident encore de "lancer leur blog" un peu comme un type de 35 ans pourrait tout à fait décider de "se mettre au skate-board" ou, je ne sais pas, une sorte de chat sans pattes mais né dans les années 20 disons de "faire un semi-marathon pour frimer ensuite à l'apéro" - et si vous trouvez que ces métaphores censées être drôle j'imagine oui vous imaginez bien ne fonctionnent pas du tout c'est tant pis -, pour bien lancer un blog, donc, en 2013 merci de me le faire remarquer, quelques règles d'or règnent en maîtresses pas particulièrement coulantes, qu'il s'agira avant tout de respecter si vous voulez avoir la chance de faire du chiffre. Oui, parce qu'il faut arrêter aussi avec le gentil discours : non, en 2013 comme à l'époque en, pfiou, 2002 j'imagine, personne n'a jamais lancé un blog - du latin weblog le saviez-vous ? - pour le simple plaisir de livrer au monde son horaire précis de descente des poubelles-parce-qu'elles-commençaient-à-sentir-vous-comprenez, voire son avis sur tel ou tel livre ou film ou spectacle avant de descendre les poubelles, non, en 2002 comme en 2013, on ouvre un blog pour faire du chiffre, pour scorer oui en un sens merci aux trois Kevin devant qui suivent même si je ne suis pas certain que nous ayons tout à fait la même définition du terme eux et moi - en même temps, quelqu'un qui utilise encore l'expression "Kevin" pour qualifier un jeune en 2013, merci de me le faire remarquer, n'est pas forcément très bien placé pour s'en faire comprendre n'est-ce pas.
Parmi ces règles, en premier lieu - mais nous reviendrons bientôt à cette question de lancer-un-blog-en-2013 (TM) parce que je sens bien qu'elle vous passionne exactement autant que moi, c'est-à-dire plutôt modérément, mais que voulez-vous, je suis là, vous êtes là, nous nous connaissons mal et il faut bien parler de quelque chose -, surtout, celle qu'on pourrait qualifier de règle d'or des règles d'or (pour le simple plaisir d'insérer une expression lourde dans un texte qui l'est déjà assez) : ne jamais publier de pavés. Plus précisément, éviter à tout prix de rédiger des papiers longs comme le bras, des paragraphes trop indigestes, et n'allez pas pleurnicher ensuite s'ils ne sont pas lus "alors qu'il n'y avait que deux phrases par paragraphe", parce que s'il n'y a que deux phrases par paragraphe et que ces derniers sont tout de même beaucoup trop massifs, faites un peu d'arithmétique nom de dieu et vous comprendrez vite que vos phrases sont beaucoup trop longues. Aérez, quoi, et cessez de chouiner.
Ce qui constitue d'ailleurs, il n'y a pas de secret, le second mot d'ordre : ne faites pas de phrases trop longues, d'interminables développements entrecoupés d'incessantes digressions, donnant à vos lecteurs surtout l'impression que vous êtes complètement sous l'emprise de substances plus ou moins légales (rien ne vous empêche en revanche de le leur laisser entendre au demeurant, c'est même plutôt un plus en terme de crédibilité et de coolitude de manière générale (mais évitez d'utiliser le mot coolitude quand même qui est très connoté fin-2004 début-2005)), voire lancé dans une forme de transe écrite de type parfaitement automatique que les rares passants venus s'égarer en vos terres vous reprocheront sans doute à l'issue de leur lecture, les yeux en sang et confrontés à un effrayant constat : tout ceci ne menait à rien.
Ah oui, parce que c'est important aussi,

ça : si vous vous mettez ainsi un jour à écrire un post sur un blog (oui en 2013, on a compris), surtout, essayez de faire en sorte d'avoir

quelque chose à dire (aérez votre texte certes, mais ne le faites pas au milieu d'une phrase non plus c'est pénible). A défaut, tout le monde n'étant pas François Mauriac ni même Christophe Barbier (pour citer un nom que les jeunes ne connaissent sans doute pas non plus et ce n'est pas un mal mais disons que le type est encore vivant c'est déjà ça), si vous tenez vraiment à rédiger votre blog pour faire au monde la narration, je ne sais pas, de la fois où vous vous êtes cassé la jambe au ski ou encore afin de galvaniser les esprits en leur expliquant en quoi le dernier Florian Zeller est vraiment mortel (parce que vous aviez moins de 15 ans dans les années 90), excellent (parce que vous êtes quelqu'un de très secret, de très en-dedans) ou encore jubilatoire (parce que vous êtes un critique littéraire un peu feignasse), essayez de le faire avec un tant soit peu de panache - votre jambe convalescente en a bien besoin, moins Zeller mais quand même un peu aussi. Je ne sais pas, moi, réfléchissez deux secondes avant de vous mettre à écrire (votre blog n'en sera que supérieur à pas mal d'autres, à celui-ci notamment mais pas que - à pas mal d'articles de presse aussi, tiens), racontez votre histoire en faisant référence aux fées ou à la cosmologie viking, ouvrez un livre et parcourez-le deux minutes ou une heure avant de vous asseoir à votre bureau, mangez une barre chocolatée ou une bière si ça vous provoque des fulgurances, mais... du panache. Vous n'avez rien à dire ? Ce n'est pas forcément un drame : vos lecteurs ne sont pas censés le savoir (ni censés le découvrir dès votre deuxième ligne, c'est l'astuce.)

Quelques remarques d'ordre esthétique, ensuite. Pardon, quelques règles d'or esthétiques, ensuite (vous voyez, vous remplacez un mot par un autre et vous avez l'air intelligent - essayez, vous verrez.) Bossez donc un peu le truc, quoi (elle ferait bien sur les Tables de la Loi, celle-ci, tiens). Faites-en sorte de ne pas accueillir votre lecteur avec cinq polices différentes - une faussement décalée (ah oui, tiens, vous êtes journaliste aussi, donc) pour le titre du blog (qui ne sera pas forcément constitué d'un jeu de mots pourrave, ni a fortiori d'un double jeu de mots pourrave, et par pitié cessez d'utiliser le mot "pourrave", il n'a plus cours depuis des lustres - du latin "cinq ans", le saviez-vous ?), une scolaire en bleu moche pour la date, une littéraire kitsch pour le titre des posts, une banale pour le texte ("tu comprends, sinon les gens ils liront pas"), la classique imposée par votre hébergeur parce que vous ne maîtrisez pas du tout le HTML. Non, tout ça, il faut le proscrire. Renseignez-vous pour tenter de savoir si la photo d'arrière-plan que vous avez trouvé à l'arrache sur Internet en tapant "bar" sur Google Images (puis en affinant la sélection aux seuls clichés noir et blanc parce que vous n'êtes pas photographe et pensez comme tout le monde que "le noir et blanc fait beaucoup plus artiste, beaucoup plus sérieux", sans relever au passage l'étrange association des mots "artiste" et "sérieux", complètement influencé que vous êtes par les prestations des chanteurs au concert des Enfoirés), que ladite photo, donc, est bien libre de droits - en l'occurrence sûrement pas puisque tirée d'un album privé de gens que vous ne connaissez pas et qui, la preuve, figurent sur le cliché même si vous tentez de planquer cette évidente atteinte aux droits de la vie privée en cachant leurs frimousses sous votre bloc de texte, "tant pis pour eux ils n'avaient qu'à pas la publier sur le net" - belle mentalité vraiment que la vôtre.

Pour finir, et surtout j'ai envie de dire (vous pouvez aussi proscrire les formules toutes faites comme "j'ai envie de dire" ça allégera peut-être le texte et vous fera sans doute passer pour moins peuple), mais autant éviter de le dire parce qu'un tel aveu d'incapacité congénitale à hiérarchiser l'information, hein, ça la fout un peu mal [expression prépubère, à remplacer], si vous faites le choix Ô combien ringard d'illustrer systématiquement tous vos textes dès la première ligne, et seulement au début, toujours à gauche et des illustrations en noir et blanc s'il vous plaît parce que [voir plus haut], évitez par pitié d'utiliser la première image listée sur Google Images (qui est définitivement votre ami semble-t-il) en réponse à votre recherche sommaire liée au sujet principal de votre post (je ne dis pas "papier", hein, je ne veux pas me foutre du monde non plus mais sans rancune.) Je ne sais pas, au pif, foncez à la cinquième page et prenez l'avant dernière, pour vous donner un genre.

Dans mon cas (recherche : "blog" en noir et blanc), ça donne ça, bon :
Blog - Avant-dernière entrée -
Page 5 de Google search (options : N&B,
grandes images)- avril 2013
Ce n'est pas une science exacte non plus.
Cela dit, ça me donne une nouvelle idée-vaine (TM), tiens : à partir d'aujourd'hui, j'utiliserai systématiquement l'avant-dernière image de la cinquième page de Google Images pour illustrer mes posts. On va bien rigoler je vous dis que ça. C'est un peu de l'Oulipo, t'vois ?

Enfin, et surtout ("ah mais je croyais que c'était fini cette logorrhée", ben non désolé), si vous décidez un beau jour de dresser la liste des "règles d'or" de quelque chose, n'importe quoi - ce que je ne vous conseille pas, le côté "donneur de leçons" à peine sorti de l'oeuf ne vous attirera probablement pas que des amis, il vaut mieux éviter s'il vous plaît d'oublier d'homogénéiser lesdites - à savoir, rédiger la première à l'infinitif, la seconde sous forme d'adresse, etc. Déjà qu'il y a fort à parier que vous passerez rapidement pour un fâcheux à dresser ainsi des listes d'injonctions sorties de nulle part, autant ne pas transformer l'essai en exhibant au monde votre flemme de vous relire et votre faible méticulosité quant à l'érection de listes. Si vous êtes décidé à faire des listes, faites les proprement au moins, merde. Imaginez un Décalogue ainsi "rédigé" : tu ne tueras point, évite de commettre l'adultère dude, le vol c'est niet - ça a quand même moins de gueule, quoi.

Enfin (oui, je sais, c'est le second "enfin" et il y avait un "pour finir" introductif juste avant), et surtout, surtout (allons-y gaiement dans la répétition, après tout, si vous en êtes là c'est que la disposition des mots et le rapport entre signifiant et signifié n'a que peu d'importance à vos yeux), n'hésitez pas à chaussette girafe plusieurs fois par carotte. 

Si vous n'avez pas tiqué à la lecture de cette dernière phrase, c'est que mon diagnostic était bon.

Poursuivons. Enfin et surtout-surtout, donc, essayez de conserver un tant soit peu de considération pour vos lecteurs, et ne passez pas votre temps à les duper en utilisant des titres de posts n'ayant rien à voir avec le sujet dudit, donnant ainsi l'impression, au mieux, que ceux-ci sont rédigés au fil de la plume, sans réflexion ni destination précise. Ca, c'est niet bien sûr. La preuve ici, puisque tout un chacun l'avait saisi, la destination était bien entendue programmée bien à l'avance (j'ai commencé à y penser il y a deux ans je crois) : il s'agissait d'emmener tout le monde à lire l'expression "plusieurs fois par carotte." C'est chose faite, je suis ravi et vous remercie pour votre lecture attentive. Demain, je vous développerai sans doute mon vrai projet.

16 commentaires:

  1. Non mais je rêve.
    Je rêve.
    Franswa P. est de retour sur la bleugueusphore.
    C'est trop fort.

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  2. Bonjour.
    Je ne vois pas du tout qui est ce Franswa P. Sans doute un ami à vous. Vous le saluerez de ma part.
    Merci beaucoup, en tout cas, vous êtes ma première cliente. Vous comprendrez qu'avec les taxes et les impôts et tout, la difficulté qu'il y a aujourd'hui à ouvrir un rade, je ne peux pas vraiment vous offrir de verre, mais le coeur y est.
    Bien à vous,
    Le Taulier

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  3. Bon, je vous t'ai mis en lien chez moi sous son nom à toi, tant pis pour vous, t'avais qu'à pas.

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  4. Internet ? Une pétaudière, je le savais.

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  5. Ah ouais, ça le devient très vite, c'est vrai.
    Ah fichtre, sachons rester élégants dans ce monde de Marcella et de Dominique, allez.
    Nous sommes FORTS, nous.

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  6. Vous avez de la chance que je ne dispose pas (encore, parce que les impôts, l'URSSAF, tout ça) de service d'ordre, mademoiselle. Parce que j'ai jeté vite fait un oeil à votre Franck T., là, et des mecs comme ça, si je dois les employer, c'est pour sortir les poubelles en fin de service, rien de plus. Désolé pour lui, mais je ne le salue pas finalement.

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  7. Vous ne pourriez pas le saluer sans qu'il vous gratifie d'un sourire qui réchaufferait votre reflet majestueux, Môssieur, je vous prie de le croire.

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  8. Mouais. C'est pas ça qui va payer mes charges patronales, non plus.

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  9. Non plus, certes. (Ni les miennes.)
    En tout cas, vos peintres ont du goût, la place est belle. :)

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  10. Bonjour. J'ai une passion pour le mobilier design, et la photo que vous avez posté me rappelle la série de chaises de l'Italien Donatello Picci en 1963, "Amoretto".
    Pensez-vous ainsi, sur ce blog, recommander les bars de Paris où l'on est le mieux assis ?
    Très cordialement,

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  11. Salut la compagnie ! On trinque à nos cotisations retraite ? C'est ma tournée.
    Sinon, pendant que j’étais en terrasse j’ai tenté d’imaginer à quoi pourrait ressmbler un blog qui suivrait tous ces conseils à viser… J’ai pas réussi. Ça doit être bon signe.
    Bien le bonjour chez vous !

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  12. Mon cher Secondflore (ça veut dire Deuxièmétage en anglais - ndt),
    Pour les retraites, tu sais ce que c'est, dans ma branche, difficile de réunir toutes ses fiches de paie, d'autant plus que le travail au noir règne en maître. A ce jour, je suis cependant déjà assuré de toucher dans mon grand âge et chaque mois quelque 13 euros 90, ce qui est tout de même rassurant - je me suis bien débrouillé on dirait.
    Quoi qu'il en soit, si tu as passé la soirée d'hier en terrasse, j'en tire deux conclusions : 1. Tu es un vrai battant, tu mérites une place au zinc à côté de la pompe à Chouffe. 2. Va pas perdre ton temps à oompter tes points retraite, c'est sans doute du temps perdu dans ton cas.
    La porte t'est grande ouverte, et même après la fermeture quand on fume des clopes rideaux tirés, tiens.
    Le Taulier

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  13. Mon cher Richard,
    Merci pour ta belle lettre. Bravo pour ta culture design, c'est exactement cela si ma mémoire est bonne. Seulement, en suédois, "Amoretto" se dit "Blog", précisément, ce qui explique cette apparente confusion (et pousse à l'hilarité quand on sait que le terme "Amoretto" se réfère à une liaison de courte durée, une aventure sans lendemain en gros.) Ah, et "Picci" se dit "Post", amusant aussi.
    Pour ton hypothèse concernant l'objectif de ce blog, je dirais qu'elle constitue un bon exemple de propos performatif. Elle était erronée avant ma lecture de ton message, mais l'idée est bonne et, promis, je parlerai aussi des bars où l'on est mieux assis. Ton hypothèse vient donc de devenir tout à fait avisée.
    Bien à toi,
    Le Taulier

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  14. (Les 3 premiers commentateurs viennent de Strictement Confidentiel, de Standard et de la Rue Fromentin. C'est pas du tout grillé comme anonymat.)

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  15. Rhô. Même le pape vient de te griller lui aussi, dis donc.

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  16. Le blog c'est meilleur grillé, avec des petits oignons.
    (memento - dans les cathédrales à bâtir ensemble, il y a aussi cette sélection des bars où il faudrait ne jamais mettre les pieds)

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