dimanche 26 mai 2013

Rébou-Sans-Famille

"Vieille femme" (allez comprendre) - 
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Note pour le lecteur : les trois premiers paragraphes de la présente note confinent vraiment au foutage de gueule, n'apportent aucune information présentant un quelconque caractère d'utilité et poussent assez loin la double propension de l'Auteur (TM) à noyer le poisson tout en produisant des phrases aux dimensions quasiment insupportables (ça sent le complexe tout ça, je vous le dis), tout ceci sans but aucun. Vous aurez donc beau jeu de les passer allègrement, personne ne vous en voudra. Vraiment.
Quant aux paragraphes suivants, je ne garantis d'ailleurs rien non plus. 

Bien sûr, bien sûr, il est désormais devenu plus qu'urgent pour moi de mener à terme - enfin ! - cette fascinante réflexion sur les bars branchés (ce qu'ils sont, ce qu'on pense qu'ils sont, ce qu'ils font semblant d'être, en quoi ils se subdivisent eux aussi en sous-groupes et multitudes de chapelles identitaires à défaut d'être vraiment signifiantes de quoi que ce soit - ah oui, parce qu'il faut arrêter, aussi : l'identité, quelle qu'elle soit, ne fait pas non plus le sens - tiens tiens, belle piste que nous n'aborderons pas une fois de plus, ou alors de loin et dans trois semaines, au détour d'une digression) entamée il y a maintenant quelques jolies semaines désormais constituées comme de subtiles revendicatrices en un mois tout rond - l'Union fait la force. Et pourtant. 

Et pourtant, désolé, mais mon ébouriffante existence - suffisamment ébouriffante en tout cas pour que j'y consacre un blog-en-2013 - venant d'amorcer un nouveau coude, ma guimbarde métaphorique s'étant récemment engagée pleins phares sur une nouvelle vieille chaussée toute défoncée - ouais, bon, j'ai déménagé quoi -, la découverte en-cours d'un nouveau-quartier suscite en moi tout un paquet bien emberlificoté de considérations boiteuses, ébauches d'idées et autres embryons ou tumeurs réflexifs dont je ne peux me dispenser de vous livrer la portion thématique la plus directement liée à notre sujet d'ici, à notre soif présente et à notre terrain de jeu circonstancié : la recherche d'un nouveau repaire/repère, d'une inédite antre du genre dotée d'un zinc et garnie d'une pompe à bières - j'ai nommé, "Mon-Troquet".

Et si, c'est vrai, à l'occasion, cette note opportuniste (dans le sens où elle tombe pile-poil en fait et n'a pas nécessité un effort exagéré de conceptualisation dans la mesure où elle coule de source donc), occasionne la possibilité de peaufiner un titre humoristique aussi puissant que "Rébou-Sans-Famille" (TM) (qui fera bientôt florès sur Twitter j'en suis certain, les gens sont ainsi faits qu'ils ne respectent en rien la propriété intellectuelle surtout sur Internet allez comprendre aussi mais les serveurs sont au Groenland et mon avocat chez les nudistes c'est logique aussi) (d'ailleurs c't'amusant la structure dudit titre humoristique présente une relative parenté avec celle du titre de l'Oeuvre-à-venir, indice supplémentaire et sans doute indispensable aux limiers les moins perspicaces qui tenteront d'ici quelque mois de faire le lien entre le ce blog-en-2013 plutôt improbable en terme de Grand-Style et l'ouvrage imprimé que leur tantine leur aura peut-être offert pour leur faire les pieds), on ne va pas se plaindre non plus. Car il est bon parfois de pouvoir joindre l'humour à l'agréable, voire l'humour au plutôt déplaisant, voire au demeurant le pas-très-drôle au plutôt-pathétique : la licence poétique ne supporte aucune limite, et c'est tant mieux ainsi.

Pour ceux qui, bien avisés, ont préféré se rendre directement ici, se dispensant de l'expérience pénible de la lecture des trois premiers paragraphes, sachez donc simplement qu'il va s'agir ici non pas de poursuivre la réflexion sur les bars branchés (oui, c'était une réflexion), mais de tenter de saisir comment-on-cherche-un-nouveau-rade-de-prédilection (oui, parce que j'ai déménagé, mais bon, si vous vous posez plein de questions de ce genre, vous auriez peut-être mieux fait d'attaquer le texte par le commencement, non ? (1) Là, je crois qu'on fatigue un peu les quelques courageux qui s'y étaient bravement collés, et qui doivent être en train de souffrir en s'entendant raconter deux fois une histoire qui n'était déjà pas bien fascinante au départ).

Car enfin, en cas d'installation à proximité de nouveaux macadams, le "Rade-de-Prédilection" (2) se doit d'être choisi avec entrain, certes - parce qu'on ne va pas non plus attendre de se dessécher sur pied -, mais également toute l'attention et la sévérité du monde. De fait, le sélectionner à la Va-Vite - à moins d'apprécier n'avoir jamais tort au point de savoir faire preuve également d'une débordante mauvaise foi y compris à son propre égard, j'en connais -, c'est bien entendu risquer une rapide autant qu'amère déception, tant les attentes sont légitimement grandes. Or, qu'on se le dise, personne n'apprécie de se retrouver dans la situation penaude du couillon contraint, après avoir officiellement abonné son arrière-train aux banquettes, chaises ou tabourets de tel lieu - un acte fort, une prise de position violente, extrême, qui revient peu ou prou à adresser un doigt d'honneur géant à toute la concurrence, surtout si sucer des glaçons ne constitue pas notre activité préférée en ces eaux troubles -, de rassembler discrètement tout son barda pour émigrer sur la pointe des pieds ailleurs, parce qu'en fait non, on s'était trompé.

Ah oui, aussi, parce que, Règle d'Or numéro 372 : en rade, on ne se trompe jamais. On dit des conneries, certes, on "exagère un peu Mimile", ok,  voire on "pousse le bouchon un peu loin" mais non, jamais, jamais on ne se trompe. Admettre une patente erreur de jugement, en public, accoudé au zinc, ouvre en effet la porte à toute une série de non-moins légitimes questions, parmi lesquelles "pourquoi passer tout son temps ici ?" ou "qu'est-ce qui me prend de téter de la bibine à 15 heures ?", qui déferleront sans coup férir sur le crâne du coupable, jusqu'à le pousser parfois, ultime extrémité, à commettre l'irréparable. Soit : décider finalement de faire autre chose que picoler pépère, cerné d'inconnus dont on n'ignore quasiment plus rien, à 15 heures en semaine. En somme : basculer dans le camp ennemi, devenir un renégat, un traître, un moins-que-rien. Le désormais-Juge des occupations de ses Autrefois-compères. Beurk.

Sincèrement, je ne souhaite pas à mon pire ennemi ladite expérience, celle de longer morveux la rangée des habitués postés en un autre-lieu, plus sévères à votre égard qu'à celui du brave client de passage, auquel ils ne peuvent opposer que l'indifférence éventuellement condescendante du local quand votre cas à vous s'avère largement plus condamnable, nettement plus épineux. Vous venez en effet de replier-votre-doigt - péché mortel qui, dans l'univers de la Limonade, se classe juste un peu au-dessus, sur l'échelle du lèse-Pirate et donc en termes de mépris légitime, de l'aveu-d'avoir-commis-une-erreur décrit plus haut. Dès lors, votre statut de paria vous collera à la peau le temps qu'il vous faudra pour en faire pénitence - proportionnel de manière relativement arithmétique au temps passé à exhiber vos routines à la terrasse, en salle ou au zinc ennemis, ainsi qu'à la proximité géographique de ces derniers et au degré de votre fidélité à tel ou tel type d'établissements. 

Pour vous donner un chiffre à la louche, comptez environ une semaine de haine silencieuse par année passée ailleurs, avec un multiplicateur géographique de 8 si les deux établissements se font face ou relèvent du même patelin, 4 s'ils appartiennent au même quartier ou à la même petite bourgade, 2 s'ils appartiennent au même arrondissement ou à la même ville de taille moyenne - durée qu'il vous faudra encore doubler si les types de bar incriminés sont identiques, et même tripler si ces derniers sont au contraire inconciliables (lounge-bar/pub, troquet-du-coin/bar branchouille, etc.). L'ensemble de ces éléments ne tenant pas compte, bien entendu, de l'hypothèse "changement du patron de votre antre" qui tend plutôt à transformer, par la magie de la Solidarité-Soûlographique (TM), l'ensemble des opérations de multiplication en opérations de divisions.

Trois exemples, pour les matheux refoulés :

1. Vous avez traîné sept ans en un troquet  à bières avant de réaliser qu'il était nul en fait (vous êtes donc un peu lent à la détente, mais je ne juge pas), et décidez de migrer, inconscient, en son jumeau maléfique sis exactement de l'autre côté de la rue (parce que vous êtes une feignasse, en plus, mais je ne juge toujours pas, notez.)
Bravo, vous venez d'en prendre pour 7 x 8 x 2 =  112 semaines d'opprobre bien mérité. Dans un peu plus de deux ans, rassurez-vous, vous bénéficierez peut-être de votre première tournée du patron.

2. Après deux ans de bons et loyaux offices, une profonde crise existentielle vous pousse à décider un beau soir de cesser de hanter tous les soirs ce petit club lounge à mojitos (tout à fait pratique pour vous dégoter de jolies chargées de communication en quête de mari argenté, mais ça y est, vous avez une intuition : il vous faut de la tatouée désormais, de la cogneuse un peu aussi pourquoi pas, c'est un fait), pour lui préférer le pub irlandais du même quartier (quoique de l'autre côté de la rue Machin quand même, on ne sait jamais, qu'iriez-vous raconter, si vous les croisiez, à vos meilleurs amis toujours bien branchés par les lunettes à grosses montures ?)
Allez, ne pleurez pas, d'ici environ 2 x 4 x 3 =  24 semaines, vous serez connu et apprécié ici aussi comme le relou blanc.

3. Catastrophe, le patron de votre rade-qui-sent-parfois-un-peu-la-pisse-c'est-vrai (mais au bout de seize ans on-ne-s'en-rend-presque-plus-compte) vient de passer l'arme à gauche (paix à son âme), et son crétin de fils vient de rouvrir l'établissement  désormais enrichi d'écrans géants connectés en direct aux clips de MTV et redécoré ambiance Eden Park. Votre sang ne fait qu'un tour, et vous vous demandez si, au fond, l'odeur fort tenace caractérisant  également le bistrot d'en face  n'est pas susceptible d'alimenter efficacement votre soif de mélancolie.
Accueilli à bras ouverts, à la manière d'un boat-people (euh... qu'on accueillerait à bras ouverts disons, dans une autre dimension), ou en tout cas d'un rescapé quelconque susceptible de susciter l'empathie de tout un peuple (par exemple parce qu'il partage avec ce dernier une nationalité, une culture ou la couleur de peau majoritaire - ouais, bon, ok, pas un boat-people, donc), vous  ne tarderez pas (en fait, en 16 / 8 / 2 = 1 semaine très précisément) à intégrer foie-et-âme votre nouvelle famille d'élection.

Récapitulons : désormais, en plus d'une première "réflexion" introduite sur les bars branchés - première parenthèse toujours béante -, nous voilà aux prises avec une nouvelle thématique à traiter, à savoir : "Comment choisir son Mon-Troquet-pour-la-Vie". Deux chantiers dont personne (surtout pas moi, promis) ne sait s'ils vont déboucher sur une quelconque réalisation, vous savez comment c'est - avec les délais de commande et les retards pris parce que le sol, en fait, est perméable et qu'il faut couler une dalle de soutien non prévue au programme, tout ça, on n'est pas rendus. En tout cas, nous voila déjà bien avancés.

(1) C'est ça, hein, vous êtes donc du genre à ne pas aimer perdre votre temps mais à apprécier aussi d'être parfaitement bien informé sur tous les sujets du monde - vous êtes bien représentatif de votre époque, tiens.

(2) Aussi appelé parfois un peu stupidement "QG" par les trentenaires bien passés persuadés d'être encore jeunes, ou "Mon-spot" par ceux trop minots pour savoir que ledit terme qualifiait aussi, vers les années 80-90, les marques les moins gourmandes de l'acné juvénile.

mercredi 22 mai 2013

Le Troquet Général, par Sébastien Lapaque


Baby Foot - Avant-dernière entrée -
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Dans son "contre-journal" titré Autrement et encore, paru le mois dernier chez Actes Sud, l'érudit harangueur Sébastien Lapaque regrette des tas de trucs - notamment le service de la Limonade au temps du Général.

"Destruction des cultures populaires, dites-vous ? Qu'on songe à toutes ces fermetures de cafés en France, remplacés par des banques, des marchands de téléphones portables, des bars branchés ou des chaînes aseptisées façon Starbucks. Dans la France de Charles de Gaulle, vieux pays frémissant de gouaille et d'apéro, il y avait 200 000 cafés ; dans la France d'après, il en reste 30 000 à 35 000. Aux naïfs tentés de s'en féliciter au nom de la lutte contre l'ivrognerie et le tabagisme, on rappellera que la fermeture du troquet du coin, celui que l'on fréquentait jadis à la sortie du lycée, n'empêche ni l'alcoolisme ni la consommation de tabac chez les jeunes. Ce qui se perd, avec les troquets, c'est cet "autrefois du monde humanisé" dont parle joliment Baudouin de Bodinat* : les conversations impromptues, les rencontres imprévues, les controverses interminables. Il n'y avait pas que les vapeurs d'alcool et la fumée des cigarettes dans les cafés de notre jeunesse perdue. Il y avait des romans et des journaux posés sur la table ; le flipper et le baby-foot ; ces filles auxquelles on n'osait pas adresser la parole, ces habitués dont on ne connaissait ni le nom ni les occupations. Et tous ces gens qu'on n'aurait jamais rencontrés ailleurs. Et ces jeux permanents avec les mots du boire, ces inventions langagières à la générosité infinie. Le café, on l'appelait le bistrot, le rade, le troquet, la crèmerie... Au patron, on demandait de remettre une rafale, de rhabiller les orphelins, de remonter l'ascenseur, de recharger les accus... Et à l'heure de la fermeture, on buvait le coup de l'étrier, que le maréchal de Bassompierre, sous le règne de Louis XIII, recommandait de boire dans sa botte." 

* Cf. La Vie sur Terre. Réflexions sur le peu d'avenir que contient le temps où nous sommes, tome I, de Baudouin de Bodinat, éditions de l'Encyclopédie des nuisances, 1996.

dimanche 12 mai 2013

Présentation Express - Acte 2

Percolateur - Avant-dernière entrée -
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Allez, après une première tentative loupée, loupée parce que beaucoup trop classique*, nous voilà à nouveau rendus au pied du mur, contraints par nul autre que nous-mêmes - ce qui est déjà quelque chose de déterminant quand on y pense - de remettre l'ouvrage sur le métier (ah ah, Pénélope écrivant sur son boulot, ah ah), tentant ainsi pour la seconde fois - qui ne sera finalement que la deuxième à coup sûr - de résumer le Livre-à-paraître (TM) sous la forme d'un quatrième de couv' à peu près respectable.

Pour une fois, sans multiplier les digressions (les notes de bas de page sont aussi là pour ça, après tout), sans filet, on se lance, hop-hop-hop, c'est parti. 

Présentation express, deuxième prise :

[TITRE] se conçoit comme une sorte de guide typologique,
classé par rubriques et thématiques,
de ce qui distingue, en 2013 et depuis des lustres,
un bon rade d'un mauvais,
une noble cuite d'une sinistre dégustation,
le fâcheux usager de zinc et le mythologique compère de comptoir -,
le tout enrichi d'une étude de la transparence sublimée,
ainsi que de la fatalité contemporaine du Devenir-larbin,
à laquelle [L'AUTEUR] estime préférable de se résoudre 
en bars plutôt qu'en open-space,
par simple refus de se résigner l'aveuglement, 
et donc de perdre son temps à se leurrer soi-même.

Mouais. C'est joli, dit comme ça, mais prête aussi le flanc à tout un tas de critiques légitimes, au moins sur deux terrains pourtant contradictoire :

- la première partie (du début à "compère de comptoir") laisse quand même supposer qu'on va se retrouver avec dans les mains une sorte de bouquin LOL, de bric-à-brac comique plus ou moins drôle, à une sorte de bédé Vie de Merde énième tome exécutée on l'espère avec autre chose que les pieds, mais qui fera très bien dans les waters. Notez, je n'ai pas de mépris particulier pour la littérature de gogues : indépendamment du fait qu'il en existe une excellente, je n'ai pas pour habitude de me soulager les flancs en fixant comme un dératé le carrelage blanc qui me fait face (à la rigueur, je pourrais m'y résoudre dans une cabine taguée - m'y résoudre parce qu'au moins j'aurais quelque chose pour m'occuper les yeux tandis que je feindrais, non, de ne pas être en train de répondre à besoin naturel ternissant quelque peu le statut de super-héros extra-humain que j'aime à exhiber, même discrètement, au monde à longueur de temps -, - taguée parce qu'hébergeant à longueur de journées comme de nuits (mais pour un temps seulement, hein) tout un tas d'inconnus plus ou moins sobres et donc plus ou moins adroits de leurs bassins et... - ah oui, en fait, je viens de me souvenir pourquoi je pourrais à la rigueur m'y résoudre sauf qu'en fait non, faire ça là, c'est quand même un peu niet.) Il en existe une excellente, donc, et, mieux encore, sa fonction, du coup, son droit d'être au monde tombe sous le sens, peut-être même plus allez savoir que la littérature de non-chiottes. Tiens tiens, un nouveau débat intéressant en perspective.

- la deuxième partie (de "le tout enrichi" à la fin, forcément) réalise le double exploit de faire passer [L'AUTEUR], donc, à la fois pour un rebelle de pacotille ("Bouh, la vie en entreprise, trop ringard" - "Moi, je me mens pas à moi-même, mec - je suis lucide sur le monde qui m'entoure") et pour un bon gros péteux des familles (qui "enrichit" les choses, avec des "études", ne se "résigne" pas plus qu'il ne se "leurre" (il est malin, plus malin que les autres, c'est pour ça.)) Disons, pour un croisement contre nature (?) entre un intello casse-couilles et un ado de quinze ans, tous les deux furieusement imbus d'eux-mêmes. Sur le papier, ça donne envie - rien à dire.

Allez, laissons tomber pour aujourd'hui. Je ne sais pas si vous voyez un peu mieux de quoi ça va causer (ça, oui, je pense que vous avez quand même dû finir par capter l'idée (ne vous braquez pas à cette démonstration de condescendance, rappelez-vous plutôt, comme noté plus haut, que ma quatrième de couverture de ce jour m'autorise à me comporter comme le couillon qui se croit plus futé que le reste du monde, et excusez-moi dans la foulée), ni comment ça va en causer (là, je suis nettement plus sceptique, et ce n'est pas de votre faute, j'insiste), mais gageons en devins qu'entre aujourd'hui et janvier prochain, il devrait se présenter quelques jours et quelques nuits que je pourrai mettre à profit pour, à nouveau, tout détricoter dans l'espoir, enfin, de produire un Truc Potable au sujet de mon Bidule.

Notes de bas de page et astérisques :

*classique parce qu'elle se bornait à livrer une sorte de résumé très intemporel** 

**intemporel parce que volontairement flou***

***flou parce qu'issu d'une sorte de non-choix consistant à adopter une tactique "attrape-tout"****

****"attrape-tout" dans la mesure où il semblait s'agir surtout de susciter un maximum de curiosité tout en ne risquant pas de se mettre à dos telle ou telle partie de la population (sait-on jamais)*****

*****Effectivement, on ne peut que constater un peu consterné cette tradition très contemporaine consistant à vouloir plaire en rabotant au maximum, séduire en mobilisant un maximum d'efforts dans le seul but de ne ressembler à rien le mieux possible. Simplement par peur de s'attirer des foudres voire, pire encore - ultime malédiction -, une consistante indifférente, au point que les attentes d'un créateur quelconque aujourd'hui (d'art, de littérature ou de bidets en émail) semblent désormais s'ordonner ainsi : 
1. Au mieux, obtenir l'unanimité pour un objet blanc et lisse (un œuf, par exemple, ou un bidet effectivement). "Excellent, ton truc. Je m'y suis totalement retrouvé dedans. Et ma mère aussi. Et mon neveu de six ans aussi. Et ce mec là-bas, le type qui achète des poireaux au rayon légumes, là, je parierais qu'il s'y est lui aussi totalement retrouvé dedans."
2. Moins enviable, mais tout de même pas mal, accéder à une adhésion plus ou moins large en "perdant" ceux qui n'aiment pas le blanc, le lisse, ainsi que les daltoniens toujours prompts à déceler quelques ombres jaunâtres dans un blanc pur, et les maniaques persuadés de s'être écorché la main à une rugosité en la faisant glisser contre l'impeccable paroi. "Pas mal, ton machin, pas mal du tout. Juste une remarque : quand tu fais un parallèle entre tes différentes humeurs et les sept couleurs de l'arc-en-ciel, là, on est bien d'accord, tu produis une classification entre les hommes selon la couleur de leur peau, non ? C'est un peu choquant, hein. Non, ce n'est pas ça ? Ah. Un plaidoyer pro-mariage pour tous, alors, peut-être ? Une attaque en règle de l'écologie politique ? Non ? Allez, donne-moi quelque chose, bon sang."
3. Encore appréciable, dans un registre particulier, être jugé "provocant" par un petit cénacle underground et plastique, parce qu'on a effectivement injecté quelques termes licencieux, idées communément admises comme subversives au cœur de sa bouillie. "Eh, bro, dans mes bras. Je n'ai pas eu le temps d'analyser ton bidule dans son intégralité, évidemment, mais chapeau, quoi : utiliser l'expression "couille vérolée" trois fois en dix lignes, c'est courageux. Comme ton chapitre sur l'extermination des bébés, là. Trop chaud, j'adore."
4. Plutôt catastrophique, mais on s'en fera une raison en misant éventuellement sur la posture maudite, être jugé à tort "provocant" simplement parce que notre propos n'a pas été bien compris, s'attirer les sympathies des rebelles et partisans de la précédente catégorie uniquement sur un malentendu. "Super de ta part, mec, d'avoir consacré un chapitre entier aux calculs rénaux, à l'ordure qui sillonne nos corps de cadavres en puissance, d'avoir ainsi fait référence à la merde, d'être passé par la scatologie, l'urologie, la, euh... rénalologie pour faire un doigt au système hygiéniste dans lequel nous nous formolisons à vue d’œil. Applause, man." - "C'est bien gentil de votre part, jeune homme, mais le chapitre auquel vous faites référence traitait en réalité, au sens premier, du calcul différentiel et des progrès récents de la science mathématique."
5. L'Horreur. Passer inaperçu, constater l'indifférence complète que suscite mon bel objet pourtant fait-avec-mes-propres-mains (mieux encore que Made-in-France Made-in-moi, t'sais.) "Bonjour. Et vous, vous faites quoi dans la vie ? Ah, oui. Mais sinon ? Le loyer, là, vous le payez comment, sérieusement ?"

vendredi 10 mai 2013

Un Zinc à Canaille, par Benoît Duteurtre

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Râleur professionnel, Benoît Duteurtre, dans ses Polémiques (Fayard), sait aussi causer bistrots quand il conspue les poussettes. Parce qu'autrefois, les premiers se portaient fort bien sans les secondes, les vaches étant ainsi mieux gardées.


"Une victoire dont se réjouissent les partisans de l'interdiction du tabac dans les lieux publics est l'augmentation de la "clientèle familiale", désormais triomphante dans les cafés et les restaurants. De fait, on voit désormais ces établissements se transformer en jardins d'enfants où d'énormes poussettes occupent l'espace entre les tables, et où les bambins éberlués donnent de bruyantes aubades. Auprès d'eux, les "mamans" et les "papas" se livrent à de permanents allers-retours entre la table de bistrot, où ils amorcent des bribes de conversations, et l'engin à roues vers lequel ils se penchent pour distraire leur bébé, répondre à ses revendications, lui tendre des biberons, des jouets, des tétines qui parviennent rarement à le calmer.

Autant l'avouer : je préférais l'odeur du tabac à ce fumet de fesses enfantines. Les adolescents d'autrefois trouvaient dans les bistrots un parfum de liberté. Le comptoir en zinc avait un côté canaille qui tranchait avec le ronronnement de la vie de famille. On y découvrait un environnement d'adultes parlant de tout et de rien en picolant. Le flipper et le juke-box apportaient un petit air américain agréablement mêlé aux habitudes franchouillardes, comme le présentoir d’œufs durs, le ballon de côtes-du-Rhône, le croissant et le "grand crème". Le café représentait la ville, la liberté, la rencontre imprévue. Nul adulte n'aurait osé imposer dans ce décor la présence de familles, de bébés ni de poussettes.

Aujourd'hui, presque partout, le bistrot s'est transformé en lounge où l'on vous conduit directement à votre place, un peu trop isolée. La plupart des comptoirs ont disparu. Mais, dans le même temps, l'invasion des parents et des enfants a transformé ces lieux canailles en doucereuses annexes de Disneyland, qui redessinent les villes à la gloire de la reproduction. Voilà pourquoi j'ai cessé de fréquenter les cafés afin d'échapper aux familles (...)"

mercredi 1 mai 2013

Rade Panique, par Roland Topor

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Café Panique : magie des surnoms, impressions instantanées, par celui qui rappelait parfois : "Inutile de regarder en l'air, il n'existe aucun bar correct dans cette direction", et pouvait considérer un bon rade simplement comme la pièce manquante de nos tristes appartements (Editions Wombat, 2012).

"La première fois que j'étais entré au Café Panique, en compagnie de Cul-Sec qui tenait à me présenter Verre-en-Main avec lequel, selon lui, j'étais fait pour m'entendre, j'avais trouvé l'endroit formidable. Tous les vins qu'on avait pris ce jour-là étaient bons, Deux-Minutes, la fille qui servait au comptoir, souriante, et la porte si proche qu'on avait l'impression d'être sur le trottoir de la rue de Rivoli. Ce sont des détails qui comptent, pour un bistrot. Et puis, c'est important, la lumière était belle. En partie grâce à la patine des murs et du plafond, mais aussi, peut-être, parce que les globes de verre dépoli n'étaient pas propres, il régnait une atmosphère dorée qui embellissait tout le monde. En revanche, le téléphone était au sous-sol à côté de toilettes immondes, mais, à Paris, il ne faut pas demander l'impossible.
Je m'étais bien entendu avec Verre-en-Main et les autres. On avait passé la majeure partie de l'après-midi à discuter de n'importe quoi lorsque Vau-l'Eau me demanda à brûle-pourpoint ce que je faisais dans la vie.
- Oh, des trucs, répondis-je sans me mouiller.
- Comment, tu ne sais pas qui c'est ? s'exclama Cul-Sec, vantant la marchandise. C'est un humoriste. Il fait des dessins terribles : des gens coupés en morceaux, des bébés cloués sur des portes, des pièces de théâtre où les acteurs sont envahis par la merde..."