dimanche 14 avril 2013

Présentation Express - Acte 1

Machine à café - Avant-dernière entrée -
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grandes images)- avril 2013
Glosons long, glosons bien.
Hier, à l'après-midi vacillant, pluvieux aussi ma bonne dame, je sirotais houblon taille XL en compagnie de Mon-Editeur, un type qui déménage (au sens propre, aussi.) Je ne m'étendrai pas, par pudeur autant que par crainte d'une légitime accusation de flagornerie, sur les qualités sans doute innombrables dudit, qu'au fond je ne connais pas très bien de toute façon. Disons qu'il sait lire et choisir avec goût nos rades de rendez-vous, ce qui est déjà nécessaire, autant que quasiment suffisant.

Nous taillions ainsi le bout de gras-à-bulles, nos bedaines sous surveillance, avant d'aller tracer nos trajectoires vespérales en deux lieux opposés - un dîner pour lui, car il sait se tenir, un open-bar au temple de l'érotisme pour moi, car j'aime parfois me soûler jusqu'à l'oubli. Un peu caricaturaux dans nos projets, en somme, idéal-typiques de nos fonctions respectives au Monde, sinon simplement dans le cadre de notre relation professionnelle : grands crus et table en merisier pour l'un - on imagine ainsi l'Editeur, qui en réalité gobait peut-être simplement de la cahouète cernée de bonne franquette -, et parterre de parasites avinés de gratis pour l'autre - l'Auteur, soûlographe par atavisme à ses parrains d'élection, fauché par sens de la dramaturgie.

Mais revenons donc à cet échange au Bœuf à la mode, troquet intemporel au nom (encore) si mal-à-propos, sis bien trop près de l'épicentre 2012-2014 de la Fête Officielle des Avant-Gardistes-du-Suivisme (TM) pour résister bien longtemps à son programmé destin : se faire racheter par un cynique professionnel du divertissement alcoolique, rafraîchir à la liasse "mais en conservant cet esprit si authentique", dénaturer pour toujours par ceux-là même qui auront vanté son charme intemporel - Jeannette, Mansart, et Compagnie, que de crimes ont été commis en votre nom. Par ce triste mouvement de l'histoire, mon cher Bœuf, tu hébergeras bientôt des hordes de lemmings à peine déboutonnés, persuadés - les crétins - de perpétuer la tradition quand leurs fessiers sous contrôle strict auront fait fuir tous ceux, autrement plus typiques, de la vieille-aux-chats soliloquante, du Rabza poli et des trois derniers prolos encore cramponnés griffes dehors au rutilant zinc comme au souvenir foulé de ce qui fut un quartier.

Mi-fayot ("t'as vu, je fais mes devoirs") mi-tartufe ("ce sujet, c'est le mien, j'en suis l'Encyclopédie vivante"), j'avais sur ma table, dans l'attente du débarquement de mon interlocuteur, disposé adroitement, à peine griffonnées, les épreuves d'un ouvrage à paraître sous-titré Histoire du buveur, tu vois de quoi je parle Editeur ? (Clin d’œil clin d’œil.) Un chouette ouvrage au demeurant, dont on aura sans doute l'occasion de reparler - on commence à se connaître : les digressions ? Pas trop mon truc.

Les évidences rassurantes rapidement confirmées (lui : hâte de sortir ton livre ; moi : je me suis mis au blog-en-2013), nous abordons sans attendre le nœud d'un problème qui, je le pressens, va rapidement tourner feuilleton, sinon saga. Nous nous sommes en effet tous deux heurtés, dernièrement et chacun dans notre rôle, à un écueil de taille : 
Résumer le livre

Je vous sens quasiment réagir à cette lecture, là, et ne vous donne pas complètement tort au demeurant : "Oh mon dieu, les vannes à pleurnicherie sont ouvertes, le mec va nous expliquer dans un instant que son Grand-Oeuvre est trop complexe, trop riche, trop puissant pour être décrit en trois mots, ni en trois lignes, ni même en trois ouvrages."  Effectivement, puisque ceux qui écrivent n'ont pas vraiment l'habitude de louper une occasion de se zieuter l'ombilic en se palpant complaisamment les parties, puisque l'onanisme constitue souvent le déclic des belles comme des piètres carrières d'écrivain, bien entendu, aucun auteur ne résistera jamais non plus à la tentation d'estimer son travail parfaitement impossible à résumer. 

Certes. Dans le bouge hostile, le sinistre coupe-gorge qu'occupe la Littérature de ce début de XXIème siècle, vous avez raison, la perspective même de prononcer l'infâme expression "quatrième de couverture" confine bien souvent chez nos amis les auto-centrés (eux, moi, vous peut-être) à la blessure narcissique. Du coup, on s'en dédouane autant que faire se peut, on avoue rarement que, oui, c'est bien nous-même qui sommes sommés de la rédiger, cette conne - on préfère dès lors en attribuer la paternité à un-éditeur-qui-veut-vendre, un-journaleux-en-puissance, ou un-ami-un-peu-con (si, vous savez, cet ami que nous convoquons tous lorsque nous souhaitons nous enquérir auprès d'un tiers du degré d'acceptabilité, de stupidité ou de saloperie de l'un de nos comportements pas vraiment bien assumé, modèle "J'ai un pote qui va aux putes".)

Quoi qu'il en soit, je ne vais pas vous surprendre, ces derniers temps, je crains comme la chtouille (pour faire honneur au champ lexical introduit au paragraphe précédent) la connaissance bienveillante, l'allié contre vents et marées, voire le critique sceptique me servant, comme de rigueur, la fatidique question : "Et alors, ça parle de quoi ton truc ?" Placé à plusieurs reprises en cette délicate situation, récemment, je n'ai pas encore hérité de grand chose d'autre que du sourire gêné de mon interlocuteur tandis que je m'enlisais en bâtiments d'alambic. Renseignement pris, mon éditeur n'en avait pas mené bien large non plus face à quelque libraire de sa connaissance auprès duquel il avait entrepris, téméraire, de décrire "ce texte puissant que nous publierons en janvier prochain" (rassurez-vous, la citation n'est pas de lui - le type n'est quand même pas non plus complètement novice en matière de marchandage de tapis.)

Ainsi, si vous en êtes d'accord, je vais essayer ici-même d'infliger, régulièrement, à vos mirettes décidément coriaces quelques tentatives de résumé dudit bouquin, au format Quatrième de couverture, et m'efforçant dans la mesure du possible d'éviter d'invoquer ces disgracieux mutants du "catch-all" qui entachent régulièrement ce douloureux exercice ("Un récit de voyage à la sauce Big Brother""Quand Charles Péguy rencontre Les Musclés""C'est un peu Nathalie Sarraute sur l'Ile de la Tentation"), comme la cohorte des termes fourre-tout blanchis d'avoir (beaucoup) trop servi (jubilatoire, truculent, déjanté, décalé, vitriol, ses-contemporains, à-cent-à-l'heure, et j'en passe.)

Présentation express, donc, première prise :

[TITRE] décrit le parcours somme toute banal d'un aspirant barman 
soucieux de donner du sens à sa trajectoire, 
en mobilisant au chevet de ses introspections parfois avinées
l'ensemble de ses références culturelles tantôt classiques, tantôt pop.
Ceci afin de parvenir à déterminer enfin de quel bois il est fait, 
et quel pourrait en être son usage le plus approprié.

Mmm... Vous avez probablement raison : moi non plus, je n'aurais aucune envie de lire un livre ainsi résumé. Soyons honnêtes : ça sent surtout la bonne grosse auto-fiction ciselée à la truelle, le larmoiement pathétique du pauvre petit chose, saupoudré d'opportunistes clins d’œil générationnels. Le "tantôt classiques, tantôt pop", en particulier, pue à vingt mètres le livre mal branlé, mal équilibré entre considérations d'adulescent un peu smart-ass quand même et blocs de texte empesés d'un classicisme vaseliné à la gomina.

On la refera, celle-ci. Rendez-vous pris.

13 commentaires:

  1. [TITRE] décrit le parcours peu banal d'un barman inspiré soucieux de donner du sens à sa trajectoire afin de parvenir à déterminer enfin de quel zinc il est fait.

    (Oui, je sais, je synthétise trop, là.
    Galère, les résumés de 4e de couv'.)

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  2. Belle piste, belle piste. Comme d'habitude, c'est en machettant qu'on devient machetteron. Bien joué.

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  3. puisque références classiques, la quatrième de couv pourrait se résumer ainsi : in vino véritas
    la vérité est plus facile à trouver pour un barman ;-)

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  4. Oui. Ou bien "In vino veritas" à l'heure de "Top chef" - ça marche aussi, comme bandeau racoleur. Argh, mon coeur balance.

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  5. ou alors...ou alors : " Non ,mais allo, quoi , t'es barman et tu sais pas ce que tu bois ?"
    (en référence à un buzz qui vous vous a ,peut-être, échappé)...sauf que là on l'imagine votre barman passant un blind test et ne sachant pas faire la différence entre un 2F& bubbles et un 42nd street, alors que si j'ai bien compris, c'est l'histoire d'un homme qui cherche un sens à tout ce grand bazar qu'est une vie, un peu comme s'il lui fallait refaire la signalétique du BHV .
    pfffff

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  6. Bartender is the night... ;-)

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  7. Mmm... Paul(A), je ne connais BIEN ENTENDU pas du tout ce "buzz" (ni d'ailleurs l'étymologie du mot "buzz", ni d'ailleurs le son de la guêpe en période des amours), mais je vous suis sur la signalétique du BHV. Je crois. Moins sur ce sévère verdict que vous adressez à mes compétences. Tenez, regardez : hop, hop, du pastis, de l'orgeat, et hop, une mauresque. Un cocktail que PERSONNE ne connaît. Pour sûr. Vous voyez ?
    Quant à vous, Kiki, bien le bonjour. Mais il me semble que c'est la night au bar qui s'avère souvent tendue. Vous avez simplement mis les mots dans le désordre. Pas bien grave.

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  8. En fait votre barman serait-il un Roquentin des temps modernes ( traduction:un bobo parisien) et son parcours la mise en récit de son questionnement ontologique?
    le zinc est-il en bois de marronnier?
    Etes-vous jean-paul S? ;-)
    plouf plouf

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  9. Eh eh. Nous attaquons donc notre Schmilblick avec Paul(quelquechose). Là où vous tombez très juste (vous êtes malin), c'est que le livre pourrait être un peu ça. Ce qui serait vraiment horrible - pas parce que Sartre, mais parce que "lamentations existentielles d'un branleur favorisé qui s'encanaille". Sauf qu'en fait de nausée, on se trouve ici plutôt dans le sentiment presque exactement inverse (est-ce mieux ? non, si le résultat frôle la béatitude, ce que j'espère avoir évité.
    Décidément, il faut que je retravaille ce quat'de couv. Là, en l'état, ça fait peur, c'est vrai.

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  10. hmm...hmm tout à coup ça me rappelle un certain blog qui s'appelait "divin connard",je ne sais pourquoi
    (vous savez cette espèce de fulgurance?)
    quelque chose du genre féminin, quoi!

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  11. Ah non, erreur sur la personne.
    Pardon, pardon, je maintiens le doute : "hum, hum, peut-être bien, tiens."
    Puis "Je vais vite aller découvrir ce blog."
    Puis "Oh ben oui, c'est bien moi."
    Puis "Pas du tout, rien à voir."
    En somme, une superbe ligne de défense.

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  12. Ça me plait: léger, attendu...pas tout le temps... je suis fan
    FAPC

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  13. Merci, Fapc (ça doit être dur à porter, comme prénom, dans la cour d'école, non ?). Je vais également tenter de profiter de la RENTREE pour m'activer un peu par ici. Chouette.

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