mercredi 3 juin 2015

Jestaire en cabane

Cabane - 
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Vas-y mon gars, fais pas ta pute.
Vas-y. Vas-y.
Raté. Pardon.
Tu danses comme une quiche et pourtant tu as obtenu le Grand Prix. Tu souris tristoune en privé, malgré ça, tu es applaudi. On te cause comme si tu avais inventé un truc, alors que tu n'as construis que ton image, et de manière un peu chiante. Bienvenue - bras ouverts -, cela dit - mon alliance fendue en tatouage sur ton front.
Je vais te raconter plutôt un conte pour enfant, pendant que tu vomis, une belle histoire tandis que tu te répands en pigments orangés sur une jolie toile en faïence.

Celle de Jestaire, donc. Chaque époque érige ses crétins en divinités, certains sympathiques au demeurant, puis oublie, de fil en aiguille, et les générations passant, ceux qui contenaient tout le fruit sans même le savoir, et claudiquaient, pour tout dire, en termes des communication. Ces gens avaient sous le pied - ont encore sous le pied - la puissance d'une micheline sortie d'usine, mais n'en prennent pas conscience. N'en ont pas conscience. S’abîment en sous-sol le flingue chargé, tendu, tranquille, éteint. Pars donc du principe qu'à partir de maintenant, quand j'écris flingue, ou chaussette, ou encore survie, je mentionne Jestaire. L'opposé cosmique des crétins érigés par la bêtise en début de paragraphe.

"Woooooow !", disait le poète, bien avant de constater qu'il ne parviendrait jamais à avancer en ces marécages sans y perdre une jambe, un pied ou son intégrité, parce que la boue humidifiée ça colle, et que la colle ne sera jamais un élément complet. "Woooooow !", se répétait-il sur le chemin, bien conscient qu'il avait encore la pétoire - le flingue, cligne, cligne - en poche, et qu'au besoin il se cisaillerait ce qu'il lui resterait de jambe au gros sel plutôt que de s'abandonner aux moustiques. "Woooooow !", ricanait-il encore sans plus savoir même pourquoi il souriait, "c'est n'importe quoi c'est drôle, pourquoi pas."

Il était confronté, là, faut dire, à un joli n'importe quoi, cohérent pourtant, comme à une résolution efficace d'équation qui serait passée sous la table pour tomber juste : une chouette soirée, du champagne dans les pognes, ça ricanait tranquille, et riait franc aussi, tout ceci était aussi vain et beau qu'une rencontre fortuite en bistrot, le hasard en moins.

Le hasard en moins.

Au fond de ses chaussettes, sous ses pieds usés à force de ne plus cesser de tourner, il observait l'histoire - une remise de prix -, un instant - le discours -, une fête - les serveurs ouvrant à la main les boutanches tandis que les meilleurs amis du milieu commençaient à taper du pied parce que. Parce que Bidule avait décidé ce soir de sortir avec la jolie TrucMuche. Parce que ChoseChouette savait qu'elle pourrait être publiée chez TropCool à condition de coucher avec GrandMachin. Parce que la sincérité, en l'occurrence, sortait d'un tableau Excel, et le tableau Excel en l'espèce des têtes viciées de tous les gens présents.

Ces gens parviennent même à salir des tableaux Excel, quoi.

Survie, posé tranquille, savait sans le savoir qu'il avait écrit il y a dix ans au bas mot le meilleur bouquin de la troupe, mais n'en faisait pas cas déjà parce qu'il en doutait, ensuite parce qu'il avait encore sous le pied, quoi qu'il en dise, des légions de livres plus intéressants encore, qu'il gardait en lui comme un pet foireux parce qu'il était posé en public et que cela ne se fait pas.

Chaussette avait quitté le cirque il y a bien longtemps. Ces sourires qui sans être faux - parce qu'on peut bien encore, Dieu merci, trouver réellement quelqu'un sympathique même en pince-fesse -, ne crachaient pas bien loin. Ces mains-dans-le-dos, bouches-sur-sexe et promesses-solides, caquètements du sort bien oublieux de l'idée même de contrat, ces guerriers sociaux balbutiant leur subtilité, nourrissant les poissons sans même s'être posés déjà à la fraîche sur la plage.

Flingue souriait, parce qu'il était bien fracassé, et que toute cette dose de fracasse l'empêchait à cet instant précis de réaliser à quel point son champ de roses était non seulement un champ d'orties - ce qu'il savait déjà -, mais aussi un charnier, un fond de cuvette, une réunion absurde de gens absurdes la main dans la poche. Et la main pleine.

Pendant tout ce temps, Jestaire était en cabane. Après avoir tenté la cavale. Le coma. La ballade. Le shérif tout désigné de ce village de gros glands adipeux avait décliné l'offre sans même qu'on la lui fasse, refusant à ces furoncles bien humains l'opportunité de cocher des cases sur des fichiers en priant une providence divine qu'ils n'avaient jamais priée autrement que le pantalon baissé dans une petite chambre à l'écart.

"Qu'ils aillent donc bien se faire foutre, n'a-t-il même pas pensé, mon temps viendra, ne s'est-il jamais dit." Il ne se l'était tellement jamais dit que les pieds qui battaient la cadence au jugé commençaient à faiblir en tempo,, et les loutres et tortues, bien convaincues de pouvoir former son armée, de s'acharner à regarder ailleurs en chialant, imaginant le retour du bonhomme, et la fin de l'ennui.

Ils regardaient ailleurs. Leurs flingues roulés dans leurs chaussettes, planquées dans leurs poches, en espoir de survie.

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